de Benoist Magnat
juillet 2014
Darius Klimzack
A mon ami Jean-Marc
écrit le 12 mai 2014
Je voulais écrire le silence
et le bruit me remplit l'âme
J'ai marché dans les grandes herbes
et les fleurs du vent se sont évaporées
L'éléphant seul marche le silence
à grands pas feutrés et gris
il se met face à la grande question de l'existence
et chante avec sa trompe dans la nuit
Je ne veux pas revenir sur mes pas
et laisser au passé les chuchotements bruissant
Les taillis touffus cachent parfois nos destins
Je clame doucement le chant funèbre d'un ami mort
La diplomatie du chat joue avec le tigre
elle emprunte les champs de la communication
pour frayer au plus profond de nos vies
jusqu'au souvenir de la mort qui survit en nous
Benoist Magnat
Jon Rafman
Petit conte politique
LES PIGEONS LOCATAIRES
Il y avait une fois un copain qui cherchait un logement. Depuis de très nombreux mois, il faisait le tour des agents immobiliers pour vérifier s'ils étaient des menteurs quand ils lui disaient :
- Non, nous n'avons aucun appartement bon marché, même sans confort, ni au rez, ni au grenier.
Mais un jour, un agent immobilier lui tint ce discours :
- Mais oui, j'ai justement un petit logement vide. Nous devions détruire l'immeuble pour en faire une banque, mais vu l'inflation, la récession, le blocage des crédits et tutti quanti, on a dû le laisser debout.
Notre agent et le copain s'en allèrent sur l'heure d'un pied ferme voir l'appartement du dernière étage. Quand ils poussèrent la porte, quel ne fut pas leur étonnement, quand une centaine de pigeons battirent des ailes et s'envolèrent en même temps par la fenêtre que le dernier locataire avait laissée ouverte il y a bien des temps. En fin c'est la rumeur. Un immense tapis de cacas de pigeons recouvrait le 3 pièces cuisine d'une odeur indescriptible.
- Monsieur, veuillez nous excuser, mais nous ferons nettoyer ce pigeonnier pour la fin du mois et nous délogerons ces pigeons qui sont d'ailleurs beaucoup trop nombreux dans cette ville. Ils font beaucoup trop d'enfants, sont sales et dégradent nos bâtiments, bientôt on n'entendra plus que leur roucoulement.
Quelques pigeons qui n'avaient pas eu peur de rester et d'écouter ce promoteur réunirent leurs collègues z'ailés pour leur faire part de la situation. De ce pas, pardon de cette aile, ils s'en furent au DAL, association de défense des sans-logis pour défendre leurs droits. Ils expliquèrent qu'ils étaient depuis des générations de pigeons, de pigeonne en pigeonneau, les locataires ou les occupants de cet appartement où les avait poussé sieur le vent après un long voyage au-dessus de la mer.
Cette affaire ne manqua pas de défrayer la chronique judiciaire, surtout à l'époque où on lançait de nombreuses initiatives pour les renvoyer dans les pays chauds, comme leurs sœurs les hirondelles, sous prétexte d'humanité.
Nos pigeons donc, se constituèrent en association et se préparèrent collectivement au combat avec leur avocat du DAL, contre l'extradition et le délogement décidé par notre agent immobilier, membre du Medef local. Et nous voici en pleine commission de conciliation, composée d'un syndic, d'un juge professionnel et d'un représentant des locataires qui lui n'était pas pigeon. Eh bien tenez-vous bien, ce furent les pigeons qui gagnèrent la bataille et obtinrent pour un an encore le droit de rester dans l'immeuble délabré.
Mais comble d'ironie, notre copain avait trouvé quelques jours avant un appartement, parce beaucoup de gens avait été obligé de partir à cause d'une restriction de l'émigration. Et nos pigeons qui étaient également saisonniers s'en furent dans le rude de l'hiver, vers les pays chauds, un mois plus tard. Un seul de nos pigeons arriva à Tunis et se posa sur une chaumière où logeait une sorcière. Celle-ci lui dit :
Beau pigeon, pour te récompenser d'être venu jusqu'ici et de t'être posé sur mon toit, je vais te transformer en prince charmant et tu pourras ainsi voler librement dans le pays des hommes.
Aussi dit, aussitôt fait, notre pigeon devenu prince charmant se trouva bien dépourvu, étant sans logement.
Heureusement, il se rappela qu'il était en fait locataire à Carpentras d'un grand pigeonnier. Il se dit aussi :
- Je pourrais bien faire mon beurre dans cette ville-là, avec toutes les banques qu'il y a et je les connais bien pour les avoirs survolées en son temps.
Le temps d'obtenir des papiers, de nombreuses autorisations et de passer la visite médicale, il pût repartir vers le logement de ses rêves, vu qu'il était prince charmant.
Mais quand il arriva à Carpentras, il se rendit compte qu'il n'avait pas les clés de son appartement, puisqu'il était parti par la fenêtre comme un vrai pigeon.
Il se présenta donc chez notre agent immobilier qui le prit pour un fou quand il lui dit qu'il était le pigeon d'il y a trois mois et qu'il voulait prendre les clés de son logement. Après de nombreuses explications que seul un ancien pigeon pouvait conter, des roucoulements significatifs et une sourire charmant, l'agent perplexe lui dit :
- Allons vérifier, mais je sui sûr que cet appartement est plein de pigeons, foi de dindon.
Quand ils poussèrent la porte, un centaine de pigeons qui s'étaient installés il y a pas longtemps, battirent des ailes et firent reculer nos amis.
Le prince charmant repartit la tête sous l'aile, sachant très bien qu'il perdrait son procès d'expulsion contre les pigeons. Il se promit que l'on ne l'y reprendrait plus à le transformer en prince charmant.
Benoist Magnat
Carsten Höller
Sieste
Qui de nous deux savait
jusqu’où retentiraient nos rires
Dans la grève de l’eau
ton corps se fait une peau proche de la mienne
En mains mêlées
nous vivons dans la persistance du jour
attentifs à l’appel de nos gestes courbés
et dans la géométrie du rêve
muscles et nerfs noyés
le temps coule en présages circulaires
O vie lovée
O vie larguée
Qui de nous deux savait
jusqu’où s’élèveraient nos jeux
Une porte qui grince
le chant de draps froissés
la parole en noyau
dans la nuit douce des métaux
et sur les rides éblouies du mur
la floraison vorace du midi
Anthony Phelps
In Motifs pour le temps saisonnier © Pierre Jean Oswald Editeur
Clarté au-delà du ressac
La mer clapote dans l’oreille de la plage endormie
Proie suintante de l’algue oisive
Le ciel sonne creux comme un roc
Au réveil
Des petites vagues chuchotent et se dandinent
Dans une coupe plus vaste que les parois
De l’horizon
L’arche de Noé brise ses côtes sur la digue
La nuit est favorable aux nageurs qui prennent le large
A la poursuite du sillon qui s’enfuit
Seuls surnagent
Deux chevaux morts
Et le jouet-androgyne
Ils chassent à courre
Sur les crêtes ponctuelles bleu de plomb
Tandis que dans les allées moroses
Du profond minuit
La lune se pouliche les babines
Joyce Mansour
Prose & poésie, Oeuvre complète © Actes Sud
Paul Pfeiffer
« Je suis un bout de terre qui vaut la peine,
Un panier de haricots rouges, je suis Maradona contre l’Angleterre
Te marquant deux buts
Je suis celui qui soutient le drapeau
L’épine dorsale de la planète, c’est ma Cordillère,
Je suis ce que mon père m’a appris,
Celui qui n’aime pas sa patrie, qui n’aime pas sa mère,
Je suis l’Amérique latine, un peuple sans jambes, mais qui avance. »
- Par Lamia Oualalou
Gilbert & Georges
LE TEMPS DU FRÈRE CLÉMENT
(SOLSTICE D’ÉTÉ 2014)
Le printemps a fait son temps
Le soleil tardif éclaire sous la brise
les moissons prometteuses
à la couche de Booz .
De jeunes oiseaux inexpérimentés
Se jettent en piaillant sur les raisins verts.
D’autres, couvent encore sur des nids d’infortune,
Préparant à l’envi le monde de demain.
Voici dans les champs les coquelicots flamboyants,
Fleurs de sangs dans nos prés de grandes libertés,
Illuminant le cimetière où la marguerite prospère.
Voici venu le temps des cerises du frère Clément.
Voici re-venu le temps des cerises, chantant !
Partout se construisent des bûchers de circonstance,
Vieux bois entassés des tailles de printemps.
Partout s’organisent des rondes redondantes,
Farandoles séculaires autour des feux républicains.
Et voici que le jour lentement va, se retirant,
Laissant place à la nuit des étoiles filantes.
Le feu que nous fêtons brûle d’amour les cœurs innocents !
Dansons la Capucine ,
Voici venu le temps des cerises du frère Clément !
Voici re-venu le temps des cerises, dansant !
nicolle ragot
Montlaur le 28 mai 2014
Luc André Rey
Cette femme
Belle
Noire
Son parfum dans mon ventre
Me poignarde doucement
Elle me tue
D’une mort qui donne vie
Toujours plus de vie…
*
Contre la folie de tous les racismes
Contre les violeurs et le sexisme
Contre l’hypocrisie et le paternalisme
Contre les phobies et le négationnisme
Contre l’acculturation des pseudo-évangélismes
Contre la mort lente par néo-libéralisme
Contre les guerres saintes et les angélismes
La poésie est la seule arme de destruction massive
Inédit