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Poèmes Épars, Le site.

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Ce blog recueille les activités des membres de Poèmes Épars ainsi que celles de nombreux intervenants, collaborateurs et amis, au programme : Art, Culture, Poésie, Littérature, Peinture, Photographie, Sculpture, Musique, Politique ...


- Le Baribal - François Mougin poète Belge

Publié par POEMES_EPARS sur 10 Février 2023, 14:14pm

- Le Baribal -

 
Il était une fois un Vieux
Qui possédait bien moins que peu ;
Il achevait une vie rude
Sagement, dans la solitude.
 
Le Vieux portait, voûté, son âge :
C'était son unique bagage,
Et lui qui ne possédait rien 
S'accomodait d'un pauvre chien
 
Fidèle et pieux. Parfaitement.
Bien que le moindre sacrement
Lui fût tout à fait inconnu,
Son âme de chien claire et nue
 
Se nourrissait de la parole
Et des caresses - des oboles ! -
De cette sèche silhouette 
À la voix rauque et maigrelette.
 
Or, à chaque automne, le Vieux
Se plantait dans ses bottes bleues
Et, seul, remontait la rivière,
Singeant des saumons la manière 
 
Curieuse qu'ont ces gros poissons,
Au ventre rose et au dos rond,
De remonter ainsi les cours 
Pour y aller mourir d'amour :
 
Les saumons, comme pris de rage,
À l'apogée de leur voyage
Livraient bataille sans merci
Et bradaient chèrement leur vie.
 
Immobile au bord d'un ruisseau,
Ne pouvant pas grimper plus haut,
Le Vieux siégeait sur un caillou
Et, à sa droite, son toutou
 
Montait la garde avec alarme
Tant il craignait que ce vacarme
De coups de queue et de nageoires 
N'alerte le Baribal noir.
 
Ainsi sans rien laisser paraître,
Comme un sphinx auprès de son maître,
Le chien lorgnait de son œil gris
Les frondaisons, les matitis.
 
Allant à l'amble sur ses pattes,
Agile comme un acrobate 
Malgré trois cents kilos de viande,
Un ours furetait sur la lande.
 
Pendant une journée entière,
Il avait suivi la rivière 
Guidé par seul son appétit.
Ne connaissant pas d'ennemi,
 
Il était néanmoins prudent,
Ayant déjà précédemment 
Croisé le chemin de ces êtres 
Qui partout se pensaient les maîtres.
 
Derrière les hautes futaies,
Parmi les épines, les haies,
Les musaraignes affolées,
Il avançait dissimulé. 
 
"C'est lui, c'est lui ! hurla le chien,
C'est lui, c'est ce monstre inhumain 
Qui ose se tenir debout 
Et que craignent même les loups !"
 
Entendant ce cri déchirant,
Cette plainte à glacer le sang,
Le Vieux fut saisi d'épouvante,
Dévala sans garde la pente
 
Et courut, courut en aval 
Pour échapper au Baribal !
Ce n'est qu'au creux de la vallée 
Que l'homme osa se retourner :
 
Il constata avec effroi
Que son chien ne le suivait pas.
 
Le Vieux, voûté par son grand âge,
Saisit à deux mains son courage 
Et retourna, caha-cahin,
À la recherche de son chien.
 
Or le très fidèle animal,
Devant l'énorme Baribal,
Pour protéger son vieil ami
S'était mis entre l'ours et lui.
 
Mais ce fidèle - brave cœur ! -
Avait succombé, mort de peur. 
 
Sous la ramée bleue d'un tilleul,
Le Vieux enterra l'Épagneul.
Et il enviait, sans vous mentir,
Si belle façon de mourir.
 
 
- A Genève, 10 janvier 2023.
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